Evolution de la flotte de guerre française (1669-1772)

A partir des données extraites des états abrégés, il y aurait matière à faire quantité de statistiques dimensionnelles, géographique ou économiques. Nous nous contenterons d'étudier l'évolution du nombre des bâtiments, canons et tonnage global de la flotte, ainsi que la répartition par ports.

Bâtiments, canons et tonnage global

Nombre de bâtiments de la flotte française.
S'il était encore nécessaire pour s'en persuader, les trois courbes présentées démontrent que les années du règne de Louis XIV (1661-1715), et particulièrement celles du ministère de Colbert (1669-1683), marquent l'apparition pour l'Etat français d'une flotte de guerre sans précédent dans l'histoire.

Colbert, qui crée les arsenaux de Brest, Toulon et Rochefort, passe commande de plusieurs centaines de bâtiments. Son oeuvre sera poursuivie par son fils le marquis de Seignelay de 1683 à 1690, puis Louis Phélypeaux comte de Maurepas jusqu'en 1699. En 1696, la marine française compte 280 bâtiments de guerre.

La paix de Ryswick (1698) vient ralentir considérablement cet effort. Dès le début du XVIIIe siècle, alors que les finances du royaume sont au plus bas, les vaisseaux pourrissent à quai et le rythme des constructions navales s'effondre.

Une marine de guerre se construit dans la durée

La Régence (1715-1723), liée à une crise des finances publiques et l'instabilité en politique intérieure, marqua un désintérêt à peu près complet pour la marine de guerre. Le point bas est atteint en 1723 avec 68 bâtiments.

La France n'est plus maîtresse de ses routes commerciales sur mer. Les compétences en matière de construction navale se font rares, ce qui explique en partie la lenteur du redémarrage que l'on constate à partir de 1750.

Sous l'impulsion, non pas - comme il est souvent à tort affirmé - de Jean Frédéric Phélypeaux de Maurepas (secrétaire d'Etat à la marine de 1718 à 1749), mais de ses successeurs, en particulier Étienne-François duc de Choiseul, on assiste à une renaissance de la flotte à partir de 1750. Mais une marine de guerre se construit dans la durée, et il faudra 20 ans, pour qu'un résultat tangible apparaisse : ce fut notamment les batailles victorieuses de la guerre d'Amérique, en soutien aux insurgés américains.

Nombre de canons Tonnage global

Répartition par ports

Répartition des bâtiments par ports bases
Les ports de Toulon et Brest sont sans conteste, pendant cette période, les plus importantes places fortes maritimes du royaume. Leur suprématie se confirmera au fil du temps.

Dès 1666, Toulon est désigné pour devenir le grand port de guerre du Levant. L'impulsion donnée par Colbert, se voit dans le nombre de bâtiments affectés, et qui culmine par 114 bâtiments en 1696, un pic consécutif au « grand armement de Toulon » en 1693.

Au Ponant, le développement de la ville de Brest, dont la population passe de 2 000 habitants en 1661 à 9 000 en 1690, est le reflet de l'essor de l'arsenal qui voit stationner jusqu'à 101 bâtiments de guerre en 1690.

Il ne faut cependant pas négliger Rochefort, dont l'arsenal, créé en 1666, se développe rapidement, puis souffre de la concurrence de Brest dont l'essor (1670-90) marque une période de relatif déclin pour Rochefort (moyenne de 30 bâtiments stationnaires).
Mais c'est surtout la situation géographique de Rochefort qui lui sera préjudiciable. Sur la Charente à 20 kilomètres de la mer, cette position qui garantit une protection contre les attaques anglaises, va se révèler un lourd handicap pour la navigation, de part la faible profondeur du fleuve.

Les ports de Dunkerque, Le Havre et Port Louis resteront, tout au long de cette période, des places d'importance secondaire.
En effet, pour la façade Manche et mer du Nord, la menace anglaise étant jugulée plus par l'action des corsaires de Saint Malo et Dunkerque que par la mise en place de bâtiments d'Etat stationnaires. Quand à Port Louis (Lorient), s'il est un port de construction important, son arsenal restera trop fortement concurrencé par Brest et Rochefort pour en faire un port militaire majeur.

Net-Marine © 2011. Copie et usage : cf. droits d'utilisation. Pour en savoir plus : Dictionnaire des bâtiments de la flotte de guerre de Colbert à nos jours.