Les fourragères dans la Marine nationale

1. Les origines et les premières dispositions

Vingt mois après le début du premier conflit mondial, une circulaire du ministère de la Guerre, en date du 21 avril 1916, décide de matérialiser les citations obtenues par les unités engagées par « un insigne spécial destiné à rappeler d'une façon permanente les actions d'éclat de certains régiments ou unités … cités à l'ordre de l'armée. Cet insigne sera constitué par une fourragère. »

A l’origine cette fourragère est composée d'un cordon rond en laine de 6 mm de diamètre, partiellement natté à trois brins, terminé par un nœud et un ferret. Les brins sont tissés aux couleurs du ruban de la croix de guerre : vert moucheté de rouge. La fourragère est attachée au bord de l'épaule gauche, fait le tour du bras et revient s'agrafer sur l'épaule.

Par analogie avec les mesures prises le département de la Guerre, le ministre de la Marine adopte à son tour le 1er juin 1916 « un insigne spécial, destiné à rappeler d’une façon apparente et permanente, les actions d’éclat de certains bâtiments cités à l’ordre de l’armée. » Cet insigne sera constitué par une fourragère, conforme au modèle adopté pour les troupes de l'armée de terre.
Bien que la rédaction du texte de la circulaire semble restreindre le droit à l'attribution d'une fourragère aux seules unités à la mer, les unités à terre - fusiliers marins, canonniers-marins, unités de l'aviation maritime - pourront également prétendre à cette distinction.

Initialement le critère d'obtention d'une fourragère était fixé à deux citations à l'ordre de l'armée. Le conflit se prolongeant et le nombre de citations augmentant, il fallu créer de nouvelles distinctions. A la fin de la guerre existait une véritable hiérarchie des fourragères comportant trois modèles simples et trois modèles doubles. Ces fourragères, objet de la circulaire du 22 février 1918, sont décrites dans les tableaux suivants :

Fourragère simple
Nb de citations
Couleurs de fourragère
2 ou 3
Vert moucheté de rouge.
Couleurs du ruban de la croix de guerre.
4 ou 5
Jaune moucheté de vert.
Couleurs du ruban de la médaille militaire.
6 à 8
Rouge.
Couleur du ruban de la légion d'honneur.

Fourragère double
Nb de citations
Couleurs de fourragère
9 à 11
Base : couleur du ruban de la légion d'honneur.
Branche supérieure : couleurs du ruban de la croix de guerre.
12 à 14
Base : couleur du ruban de la légion d'honneur.
Branche supérieure : couleurs du ruban de la médaille militaire.
15 et plus
Base et branche supérieure : couleur du ruban de la légion d'honneur.

Il est à noter qu'aucune unité des armées françaises n'ayant obtenu douze citations lors de la Grande Guerre, les deux dernières fourragères n'ont qu'une existence théorique.

2. Les modifications apportées après la seconde guerre mondiale

Les actions d'éclat accomplies durant la seconde guerre mondiale ne pouvaient pas être moins récompensées que celles de la guerre précédente.

Le 20 avril 1945 paraissait une circulaire relative à la création d'une fourragère destinée à commémorer les citations à l'ordre de l'armée obtenues depuis le 2 septembre 1939 (les citations à l'ordre des forces françaises libres étant assimilées à des citations à l'ordre de l'armée). Le projet d'une fourragère spécifique aux couleurs du ruban de la croix de guerre 1939-1945 (rouge mouchetée de vert) ne fut cependant jamais officialisé.

Pour ne pas remettre complètement en cause le système créé en 1916, on décida simplement que la forme et les couleurs des fourragères de la première guerre seraient maintenues pour la fourragère 1939-1945. Toutefois il fut créé un système d'olives, qui placées au dessus du ferret permettaient de différencier l'origine de ces deux fourragères (cf. tableau joint).

Pour les unités (et unités héritières) s'étant vu décerner une fourragère :

a/ au titre de la guerre de 1914-1918 seulement :
la fourragère sera portée sans adjonction d'olive;

b/ au titre de la guerre de 1914-1918 ET 1939-1945 :
la fourragère comportera deux olives, chacune d'elle rappelant les guerres auxquelles l'unité à pris part.
La fourragère sera aux couleurs du ruban correspondant au nombre le plus élevé de citations, quelle que soit la guerre aux cours de laquelle ces citations ont été obtenues
L'olive aux couleurs de 1914-1918 sera placée immédiatement au dessus du ferret, celle aux couleurs de 1939-1945 lui sera superposée ;

c/ au titre de la guerre de 1939-1945 seulement :
la fourragère sera, selon le nombre de citations obtenues, celle de 1914-1918 et une olive placée au dessus du ferret rappellera les citations méritées depuis le 2 septembre 1939.

 

Cas ou l'unité a obtenu une fourragère au titre de la 1ère guerre ET de la 2ème guerre.

L'olive aux couleurs du ruban de la croix de guerre 1914-1918 est placée immédiatement au dessus du ferret.

L'olive aux couleurs du ruban de la croix de guerre 1939-1945 est placée au dessus de la précédente.


Olives destinées à matérialiser les citations obtenues durant la première guerre mondiale, l'olive ou la partie inférieure de l'olive est aux couleurs du ruban de la croix de guerre 1914-1918 (cas b)
2 ou 3 citations
Croix de guerre 14-18
4 ou 5 citations
Médaille militaire
Croix de guerre 14-18
6, 7 ou 8 citations
Légion d'honneur
Croix de guerre 14-18
9, 10 ou 11 citations
Légion d'honneur
Raie blanche
Croix de guerre 14-18
12, 13 ou 14 citations
Légion d'honneur
Médaille militaire
Croix de guerre 14-18

Olives destinées à matérialiser les citations obtenues durant la seconde guerre mondiale, l'olive ou la partie inférieure de l'olive est aux couleurs du ruban de croix de guerre 1939-1945 (cas b/ OU c/)
2 ou 3 citations
Crx de guerre 39-45
4 ou 5 citations
Médaille militaire
Cx de guerre 39-45
6, 7 ou 8 citations
Légion d'honneur
Crx de guerre 39-45
9, 10 ou 11 citations
Légion d'honneur
Raie blanche
Crx de guerre 39-45
12, 13 ou 14 citations
Légion d'honneur
Médaille militaire
Crx de guerre 39-45

3. Les théâtres d'opérations extérieurs.

Le 9 juillet 1925, une circulaire instituait une fourragère aux couleurs du ruban de la croix de guerre des théâtres d'opérations extérieurs - rouge et bleu pâle - créée quatre ans plus tôt.
Le critère initial d'obtention était fixé à un minimum de deux citations à l'ordre de l'armée. Avec l'augmentation du nombre de citations obtenues, il fallu définir un nouveau système de distinction, système détaillé dans le tableau ci-dessous.

Nombre de citations
à l'ordre de l'armée
Fourragère (forme - couleur)
Olive (au dessus du ferret)
2 ou 3
Simple, rouge et bleu pâle
(couleurs du ruban de la croix de guerre des théâtres d'opérations extérieurs)
Pas d'olive
4 ou 5
Simple, jaune et verte
(couleurs du ruban de la médaille militaire)

Olive aux couleurs du ruban de la croix de guerre des théâtres d'opérations extérieurs (rouge et bleu pâle)
6, 7 ou 8
Simple, rouge
(couleur du ruban de la légion d'honneur)
9, 10 et 11
Double
- rouge (couleur du ruban de la légion d'honneur pour la base),
- rouge et bleu pâle (couleurs du ruban de la croix de guerre des théâtres d'opérations extérieurs) pour la branche supérieure.
Pas d'olive


Matelot de la frégate Aconit.
Il porte la fourragère de l'ordre de la Libération ainsi que la fourragère aux couleurs du ruban de la croix de guerre 1914-1918 avec une olive aux couleurs du ruban de la croix de guerre 1939-1945.
4. La fourragère de l'ordre de la Libération

Créée par un arrêté du 23 février 1996, la fourragère de l'ordre de la Libération est destinée à pérenniser l'ordre de la Libération et à préserver de l'oubli le souvenir des compagnons de la Libération.

Contrairement aux fourragères déjà existantes elle se compose d'un cordon rond, doublé sur la partie formant le tour du bras, dont les fils sont de nuances vert et noir mélangées rappelant les couleurs du ruban de la croix de la Libération.

Une extrémité du cordon forme un trèfle et l'autre extrémité est munie d'un ferret et coulant en métal uni, doré pour les unités de la marine.

Au dessus du ferret, le cordon forme un nœud à quatre tours.L'insigne de la croix de la Libération, d'un forma réduit au tiers, est fixé entre le ferret et le nœud du cordon.

La fourragère de l'ordre de la Libération se porte en première position à partir du bord de l'épaule gauche pour les unités déjà titulaires d'une ou plusieurs fourragères.

5. Droit au port de la fourragère

Les dispositions relatives au port de la fourragère sont identiques pour toutes les fourragères à l'exception de celle de l'ordre de la Libération.

La fourragère est portée à titre collectif par les personnels de tous grades pendant la durée de leur affectation dans une unité à laquelle une fourragère a été attribuée. Depuis 1936, le droit au port de la fourragère est étendu aux personnels de toute unité qui portera le nom ou sera constituée héritière d'une unité ayant à l'origine bénéficié de cette distinction.


Fourragère des commandos marine.

Si l'unité est titulaire d'une fourragère au titre de la première ou de la deuxième guerre mondiale et de la fourragère des théâtres d'opérations extérieurs, les deux fourragères peuvent être portées simultanément. Actuellement cette pratique semble toutefois avoir été abandonnée par les unités concernées. Dans ce cas la fourragère est aux couleurs du ruban correspondant au nombre le plus élevé de citations obtenues et comporte une olive pour chaque conflit durant lequel les citations ont été obtenues.

La photographie jointe montre ainsi le port de la fourragère chez les commandos marine.

Ces unités sont titulaires des fourragères :

- aux couleurs du ruban de la médaille militaire 1914-1918 avec olive aux couleurs du ruban de la croix de guerre 1939-1945 et de la médaille militaire (héritage du 1er bataillon de fusiliers marins commandos),

- à la couleur du ruban de la légion d’honneur avec olive aux couleurs de la croix de guerre des théâtres d’opérations extérieurs (héritage du commando Jaubert).

Seule cette dernière fourragère est portée. La fourragère aux couleurs du ruban de la médaille militaire (héritage des 4 citations du 1er bataillon de fusiliers marins commandos) est simplement rappelée par l’olive aux couleurs du ruban de la croix de guerre 1939-1945 et de la médaille militaire.


Quartier-maître du croiseur Montcalm titulaire d'une fourragère à titre individuel. Contrairement aux dispositions réglementaires il a épinglé sur sa fourragère l'insigne du croiseur et non l'agrafe portant le nom de l'unité.
Le droit au port de la fourragère à titre collectif cesse au moment du débarquement de l'unité considérée.

La fourragère peut également être portée en permanence à titre individuel par les personnels de tous grades ayant effectivement pris part aux faits de guerre (2, 4, 6 ou plus) qui ont valu à l'unité l'attribution de la fourragère. Dans ce cas, la fourragère portera sur une agrafe en métal le nom de l'unité au titre duquel elle a été attribuée. Cette agrafe remplace, pour la marine, l'insigne régimentaire des autres armées, les insignes des unités de la marine n'ayant aucun caractère militaire.

Le droit au port de la fourragère à titre individuel est retiré aux personnels de tous grades qui postérieurement à la délivrance de cette fourragère « subiraient des condamnations ou tiendraient une conduite qui les rendrait indignes de conserver cet insigne ».

Cette agrafe remplace, pour la marine, l'insigne régimentaire des autres armées, les insignes des unités de la marine n'ayant aucun caractère militaire.


Agrafe pour fourragère acquise à titre individuel
Corvette Renoncule (1941-1947).

Le droit au port de la fourragère de l'ordre de la Libération est uniquement reconnu aux militaires durant leur affectation dans une unité héritière des unités figurant sur une liste annexée à l'arrêté de création.

Dans la marine ces unités sont :

  • le sous-marin nucléaire d'attaque Rubis, héritier du sous-marin mouilleur de mines Rubis (croix de la Libération par décret du 14 octobre 1941),
  • la frégate Aconit, héritière de la corvette Aconit (croix de la Libération par décret du 19 avril 1943),
  • l'école des fusiliers marins, héritière du patrimoine du 1er régiment de fusiliers marins (croix de la Libération par décret du 12 juin 1945).

Selon la dernière instruction relative aux uniformes et tenues dans la marine, la fourragère est normalement portée avec la tenue de cérémonie. Elle est autorisée en tenue de sortie et, en principe, interdite avec les tenues de service courant.

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